Je vous raconte là l'histoire d'Aphrodite, une vieille chatte récupérée au refuge!
Elle a fait partie de mes "chats d'occasion".
Et comme occase cela n'en était pas vraiment une. Mais nous l'avons gardée 7 années
Aphrodite La Frivole
Surnom : Safro , Fro, 1997
La première fois que j’ai vu Aphrodite, c’était au refuge d’Animaux Assistance. Je voulais adopter un vieux chat noir. Il n’y en avait pas. Elle était là, seule dans un box. J’ai hésité. Elle me faisait pitié. Elle avait été trouvée sous une voiture dans un état de maigreur incroyable, noire de graisse de voiture, et le poil tout mité, elle qui était croisée Sacré de Birmanie. Elle avait un gros pansement autour du ventre, car elle était passée sur le billard pour une ovariectomie. Qu’elle avait déjà subie ! On l’avait ouverte pour rien. Elle était toute seule dans un local exigu, elle ne supportait pas les autres chats du refuge. Sachant que j’avais déjà plusieurs chats, elle m’a été déconseillée, et puis je voulais un vieux chat noir… On m’a proposé Zach, jeune chat noir et blanc, qui était tout triste. Et pour cause il était malade, incurable et contagieux.
Quand je suis retournée au refuge j’ai demandé à avoir Aphrodite. Personne ne voulait d’elle. Elle était toute pleine d’eczéma et plus de la première jeunesse. Personne n’adopte de vieux chat malade !
Notre Aphrodite est arrivée à la maison. Elle dormait à quatre-vingts pour cent de son temps, et toujours en hauteur, peu sociable vis à vis de ses semblables. Elle était mieux qu’au refuge mais je crois qu’elle n’était pas vraiment heureuse; elle avait certainement des maîtres qui l’ont aimée et choyée. C’était une chatte d’appartement. Elle a dû sortir et n’a pas retrouvé son chemin. Avec nous tout allait bien : elle ronronnait, jouait, mangeait bien. Mais elle ne participait pas à la vie familiale. Elle rodait dans la maison la nuit quand tous les autres dormaient. A-t-elle été choquée ? Etait-ce l’âge ? Toujours est-il qu’il lui arrivait souvent de se mettre à tourner en rond dans le bureau sans s’arrêter. Il fallait que je la prenne dans les bras et elle se calmait. Le vétérinaire nous a conseillé de lui donner du Candilat, mais cela ne faisait pas grand-chose. J’avais plutôt l’impression qu’un vieux souvenir revenait à son esprit. En fait, elle nous faisait penser à quelqu’un qui faisait son jogging. Elle tournait autour de la chaise du bureau, bien attentionnée à ce qu’elle faisait et s’arrêtait dès qu’elle nous voyait. Peut-être a-t-elle été enfermée dans une pièce et son seul exercice était de marcher, marcher. Ati aussi, tournait sur ses vieux jours, mais sur place, jusqu’à tomber. Le médicament lui faisait de l’effet, à elle.
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Elle était très belle mais ave l'âge son poil était un peu mité
Quand elle voulait bien se réveiller, et être avec nous, elle s’installait près de l’ordinateur, sous la lampe de bureau, là où il fait chaud. Elle sortait rarement dans le jardin, et si elle sortait, c’était le matin de bonne heure, pour humer la fraîcheur des herbes. Son poil est devenu beau, et bien entretenu. C’était un siamois à poils longs. Le dessous de ses pattes était si poilu que, quand elle marchait, elle glissait ; quand elle courait - c’était rare - si elle prenait un virage, elle dérapait et ses poils qui étaient très longs volaient dans tous les sens ; ça lui donnait un petit air frivole, coquin. Elle était un peu peste car elle aimait bien provoquer les autres. On pense que c’était pour jouer mais au dernier moment elle braquait son adversaire et se sauvait à toute vitesse.
Comment décrire la démarche d’Aphrodite ? C’est très difficile. En fait, déjà, il faut savoir qu’elle ne marchait pas, elle sautillait sur la pointe des pattes, comme une danseuse, avec des mouvements allant de droite à gauche, ses longs poils voletant autour d’elle, toujours. Comme le tutu d’une danseuse. Mais il arrivait souvent que ses pattes se croisent, la cadence n’était plus respectée, le pas était accéléré pour rattraper le dérapage et elle se mettait à courir les poils volant dans tous les sens. Il paraît que les chats Balinais ont cette même allure dans la démarche. Le nom ferait référence à la grâce des danseuses indonésiennes qui pratiquent leur art dans les temples. Alors Aphrodite ? Croisée Sacré de Birmanie ou croisée Balinaise ? Elle, n’en avait que faire et moi de même.
Elle devait sûrement être seule en appartement avant qu’il ne lui arrive ses mésaventures. Elle fut obligée de s’adapter, et pour son âge c’était très difficile. Mais au fait quel âge pouvait-elle avoir ? Elle avait les dents abîmées, elle n’entendait presque plus, alors plus de dix, voire quinze ans. Si seulement on pouvait lui faire oublier son passé. Mais si on dit qu’un chien est fidèle, certains chats le sont aussi, pour exemple Calypso. Est-ce parce qu’elles sont racées ? Les chats sont très attachés à leur maison, c’est vrai, nous avons pris l’habitude de ne pas les emmener en vacances, ils sont mieux en garde dans leur lieu habituel. Mais en réfléchissant bien, depuis combien d’années ne sommes-nous pas partis en vacances ? Et tout cela pour ne pas perturber ces petites bêtes ? C’est de l’esclavage pur et simple ! 20 ans cette année!
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Ma Phro avait de magnifiques yeux pailletés bleus
Je vous raconte une journée d’Aphrodite : le matin, la porte de la maison s’ouvrait vers sept heures trente. Tout le monde sortait, y compris Aphrodite. Elle osait s’aventurer dans le jardin ; elle avançait dans l’allée en sautillant et se dandinant de droite à gauche comme une star en démonstration. Elle musardait, elle reniflait une plante, coupait du mieux qu’elle pouvait un brin d’herbe plein de rosée, le mâchonnait avec peine, recrachait, observait les autres du coin de l’œil, puis revenait comme une folle sur ses pas, et rentrait à toute vitesse à la maison ; elle regardait si l’assiette était pleine de soupe, reniflait encore, et goûtait ; Aphrodite ne mangeait pas, elle grignotait. Elle ne s’empiffrait pas comme les chats de bas quartiers, non, elle avait de la classe, encore que si on la regardait de plus près, on constatait qu’elle avait une oreille ébréchée, signe de bagarre peu digne d’une chatte comme elle. Ensuite, elle cherchait un endroit pour dormir, presque toujours en hauteur, et là elle n’en sortait que vers la fin de l’après-midi. Elle descendait, buvait un coup, un petit passage dans la litière et puis on se cherchait un autre endroit pour une autre petite sieste, le bureau était sa place de prédilection. La lampe allumée chauffait ses vieux reins. Elle allait être bien là. Elle laissait facilement l’heure du deuxième repas passer. Elle se réveillait vers dix ou onze heures du soir et là se promenait dans toute la maison à l’heure où les autres allaient se coucher. Elle se dégourdissait un peu les jambes. On assistait à des glissades sur le carrelage et puis c’était le calme. Si elle pouvait réussir à se glisser sous les draps quand les maîtres dormaient, c’était le paradis ; mais comme elle ronronnait trop fort au bout d’un moment elle se faisait éjecter mais ce n’était que partie remise, elle reviendrait.
Elle était très câline, surtout le soir quand tous les autres dormaient. Nous avions l’habitude de lire au lit avant de dormir. Elle le savait et arrivait en catimini. On ne l’entendait pas sur la moquette. Pour sauter près de nous, elle s’y prenait d’une façon étrange. Est-ce qu’elle évaluait mal la hauteur du lit ou bien est-ce qu’elle était myope ? Elle sautait presque à la verticale, tel un ressort, et tombait sur la couette. Pas besoin de la voir, on reconnaissait Aphrodite. Elle s’approchait de moi et s’attaquait à mon livre : elle frottait son bout de nez poilu sur la couverture du bouquin, le mordillait, et à la fin donnait de grands coups de tête pour me faire lâcher prise. J’avais compris, obligée d’abandonner ma lecture. Alors elle venait me sentir le visage, plutôt, elle me reniflait. Mais comme elle avait de grandes moustaches, elle me chatouillait jusqu’à ce que je lui laisse un passage sous la couette. Et là, elle se glissait telle une anguille et s’installait mi-couchée, mi-assise et attendait que je la caresse. Ce que je faisais volontiers. Mais cette dame était exigeante. Si je m’arrêtais, fatiguée, elle passait sa tête sous ma main et la secouait pour me forcer à continuer. Au bout d’un moment, elle ressortait à toute allure, car elle avait trop chaud.
Elle ne répondait pas à son nom. « Aphrodite, vous dites ? Connais pas ! ». Je savais qu’elle n’entendait plus tellement, mais aussi, il fallait se mettre à sa place, elle était trop âgée pour accepter un nouveau nom. Alors quand on avait envie de se parler, c’était avec les yeux. Elle avait une toute petite voix, très discrète « Mi, mi, mi », il fallait tendre l’oreille pour l’entendre.
Bien sûr, j’ai parlé au passé car ma Phro, n’est plus de ce monde depuis longtemps. Elle est arrivée en 1997 et nous a laissés en 2002, elle avait au minimum dix-huit ans. Avec l’âge elle faiblissait, avait de la peine à se déplacer.
J’avais écrit un poème sur elle, elle était si jolie et si mystérieuse. Vous l’aurez à suivre dans un autre article.
Extrait de mon livre : Une bien belle petite famille