Gouraya, Messelmoun 39/45
J’ai reçu il y a quelques semaines des photos de mon village Gouraya. Enfin plus spécialement d’un endroit près de Gouraya : Messelmoun qui a connu son heure de gloire pendant la guerre 39/45. Je vais vous livrer un passage de mon livre dans lequel je relate ces moments.
Et puis j’y joindrai quelques photos prises récemment par mon amie Seg-Yourayenne. A elle je dis un grand MERCI. Merci d’avoir pensé à moi. Dommage que mon livre soit terminé, chaque photo aurait eu sa place dans mon récit.
La ferme Sitgès où avait eu lieu une commémoration ...
.... mais au fait, c’était quoi au juste cette commémoration ? On y arrive.
La ferme Sitgès est située entre Messelmoun et Gouraya et avait été surnommée la « ferme des Anglais » à cause de deux tombes d’Anglais probablement enterrés tout près. L’armateur Sitgès était à l’origine de l’arrivée d’Espagnols dans le village de Gouraya. En 1942, cette ferme avait abrité une rencontre ultra secrète, qui consistait en l’étude définitive des derniers détails de l’opération «Torch» en vue du débarquement futur des armées alliées en Algérie contre les forces nazies. Opération présidée par le général américain Clark qui avait regroupé des Anglais, des résistants français et aussi des Américains. Et cette rencontre a eu lieu le 22 octobre 1942 près de Gouraya. Le général était arrivé à bord d’un sous-marin Seraph, à 1h30 du matin dans la nuit du 20 au 21. A cette époque la France était dirigée par le Maréchal Pétain. La ferme, isolée, appartenait à un ami du lieutenant de réserve Queyrat, avocat à Cherchell et était mise à la disposition des résistants. Pour ne pas éveiller les soupçons de la population, il fallait que les chefs puissent opérer en toute sécurité. Une des fenêtres de la ferme devait être allumée afin que du sous-marin, on puisse voir la ferme. A 1h30, quatre kayaks accostent, accolade, moments émouvants. Tout le monde entre dans la ferme, bateaux compris. Arrivée des autres protagonistes. Discussion vers 8h, puis repas et un peu de repos. Mais vers 16h, alerte : la police a été prévenue, et les gendarmes arrivent. Branle-bas de combat, les personnalités françaises déguerpissent et tout le reste se retrouve à la cave après avoir regroupé et caché tous les papiers et cartes d’état-major. Le général américain n’est pas content, il n’apprécie pas du tout : il ne veut pas descendre, il ne veut pas qu’on l’enferme ! En haut, on simule un banquet avec beaucoup de vin et du désordre, ce qui fut accepté. Et enfin vers 3h, retour vers le sous-marin. Mais problème de hauteur de vagues, deux gros brisants à passer. Il valait mieux avoir des barques, et le général américain qui ne voulait pas qu’on le bouscule, qui avait oublié ses lunettes, qui avait froid, finit par donner l’ordre du départ avec les kayaks, sans pantalon et les papiers stockés dans des sacs suspendus à leur cou. Il fallut s’y prendre à plusieurs fois pour que les quatre embarcations réussissent à passer les brisants, et à 5h l’opération fut terminée avec succès. Il fallut inspecter la plage pour que rien ne fût suspect et on découvrit un pantalon, celui du général Clark ! C’était en 1942 et nous étions à Bou-Medfa et je n’avais pas encore six mois. Et voilà pour la ferme Sitgès. A l’heure actuelle, cette ferme a été livrée au vandalisme et complètement dégradée. Mais c’est sans compter quelques âmes vaillantes qui ont décidé de réhabiliter ce lieu. Une stèle avait été dressée à l’entrée de la ferme avec une inscription sur une plaque commémorative : « Ici commence la route de la libération de la France, de l’Europe et du monde du joug nazi ». Le site va être réaménagé de façon à le remettre en valeur.
Une des deux tombes de soldats anglais
L'autre tombe
La mer par où était arrivé le sous-marin et la ferme qui a servi de lieu de rencontre
Deux ouvertures de cachettes souterraines
Les derniers vestiges des arches de la ferme Sitgès à Messelmoun
Ruines de la cour intérieure
Monument récent
Et voilà une page de vie racontée en quelques photos !
Merci encore à toi mon amie,
tu as réussi à me replonger encore une fois dans mon passé algérien.
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